François Rouillay : "L'autosuffisance alimentaire est en marche"

© Pascal Bastien pour La Vie

© Pascal Bastien pour La VieFrançois Rouillay est le coordinateur national d'Incroyables Comestibles, un mouvement citoyen né en Grande-Bretagne.Après avoir été un des invités-vedettes de l'Université de la Terre à l'Unesco, il sera à l'honneur du réseau Colibri, ce samedi 4 mai, dans le cadre d'une journée nationale intitulée "Transformons nos territoires en immense potager !

En ouvrant le colis parvenu ce matin à son domicile alsacien, François Rouillay a les yeux d’un enfant qui découvrirait des friandises : « Laitue pommée, persil frisé, salsifis, poirée rouge… », énumère-t-il, ému, découvrant des sachets de graines accompagnés d’une carte de visite, Association Potagers gourmands, avec un mot d’encouragement de sa responsable basée à Neuvy-Deux-Clochers (Cher). Des signes d’amitié comme celui-là, cet homme à la barbe blanche finement taillée en reçoit tous les jours : « Cela montre que loin des grands médias, une révolution citoyenne, celle de la gratuité et du ­partage, est en marche. »

Devenu à 53 ans le coordinateur national ­d’Incroyables Comestibles, il est comme ça, François Rouillay : un mélange d’utopie un peu naïve et de foi à renverser les montagnes de l’égoïsme. Alors que la France et de nombreux pays européens craignent la récession, lui promeut, en admirateur de Pierre Rabhi et de son mouvement Colibris, « l’abondance partagée » ! Un long parcours. Etudiant en histoire et lauréat à 22 ans de la Fondation de France pour une maquette du Mont-Saint-Michel, il quitte sa Normandie pour suivre sa première épouse en Alsace. Devenu conseiller en communication, il bâtit sa renommée en ­travaillant avec les collectivités territoriales, de la communauté urbaine de Strasbourg au parc naturel des Vosges. En 2011, il entend parler d’Incredible Edible, un mouvement citoyen né à Todmorden, ville ouvrière du nord de l’Angleterre. « C’était à un moment où j’étais las de mon métier de communicant, car je prenais de plus en plus conscience de la crise écologique : le réchauffement climatique et les risques de pénurie alimentaire. Je me suis dit que je ne voulais plus faire de compromis avec le vieux monde… »

Le nouveau monde a-t-il commencé à naître à Todmorden dans le Yorkshire ?
C’est ce qu’il croit. « J’avais lu sur Internet un article qui racontait comment cette ville de 15 000 habitants au taux de chômage vertigineux avait su retrouver un dynamisme. Simplement en mettant en place un mouvement d’échanges locaux de produits bio. J’ai voulu y aller pour me rendre compte par moi-même. » Là-bas, il fait la connaissance de Mary Clear et Pam Warhust, deux quinquagénaires, travailleuses sociales au chômage. Elles lui font découvrir les centaines de bacs food to share (« nourriture à partager ») installés devant les habitations, la caserne de pompiers, l’école, le commissariat, l’hôpital… Comme « il n’y a rien à voler puisque c’est gratuit », un cercle vertueux semble même s’être créé avec un recul de l’incivilité et de la délinquance. Les agriculteurs bio s’installent, et les touristes viennent en car. Désormais, 83 % des achats de nourriture de Todmorden sont des produits locaux. « L’autosuffisance alimentaire est en marche », affirme, un rien lyrique, François Rouillay qui croit à la multiplication des… citrouilles.

De retour en France, il rompt avec son ancien métier. Le 28 avril 2012, il installe devant sa maison, à Colroy-la-Roche (Bas-Rhin), un village de 478 habitants, le premier bac de nourriture à partager avec des palettes de supermarché. Il y plante poireaux, courges, tomates, fraises et même des plantes aromatiques dans des cafetières décorées par sa seconde épouse, une artiste peintre. Les voisins s’y mettent : un gendarme à la retraite, une kiné de Strasbourg, l’aubergiste du village… Le mouvement est parti et essaime sur Facebook. À raison de quatre ou cinq adhésions par semaine, des initiatives similaires surgissent partout en France impulsées par une maison de retraite en Corse, un conseil municipal d’enfants dans le Finistère ou un comité d’entreprise à Toulouse. Arte lui a décerné le trophée de la meilleure idée contre la crise. Et le 27 avril, il sera l’un des invités vedettes de l’Université de la Terre, à l’initiative de la fondation Nature et Découvertes, à l’Unesco. Il installera un potager devant le siège. Puis, il rentrera en Alsace, où il vit désormais avec le RSA mais plus que jamais convaincu que « ce sont les marginaux d’aujourd’hui qui créent les nouvelles solidarités de demain ».

 

Repères

1960 Naissance à Caen.
1981 Etudes d’histoire.
1982 Lauréat de la Fondation de France.
1988 Arrivée en Alsace.
1995-2010 Conseiller en communication des collectivités territoriales.
2011 Découvre Incredible Edible en Angleterre : www.incredible-edible.info
2012 Premier potager français en libre-service devant chez lui à Colroy-la-Roche (67).
2013 Coordinateur pour la France d’Incroyables Comestibles.

Reçu le 27 avril, à l’Université de la Terre, au siège de l’Unesco.
Invité le 4 mai du mouvement Colibris pour l'opération "Transformons nos territoires en immense potager !"

 

CE QUE JE CROIS

« L’abondance est le fruit du partage et ce qui n’est pas donné est perdu »

Source : http://www.lavie.fr/actualite/ecologie/francois-rouillay-l-autosuffisance-alimentaire-est-en-marche-26-04-2013-39636_8.php