Réparateur ambulant de vélo, un métier en plein boom

 

À Lyon, Montpellier ou Grenoble, ils se déplacent jusqu’à vous, souvent en vélocargos, pour réparer votre bicyclette.

Le métier de réparateur ambulant suscite de plus en plus de vocations

En cette matinée d’hiver, fraîche même à Montpellier, Jean-Luc enfourche son vélocargo électrique à trois roues : le coffre, à l’avant, et la remorque sont chargés de matériel. Direction le quartier Malbosc. Le voilà devant chez son client, son atelier pliable installé. Une demi-heure plus tard, des pneus neufs sont montés et réglés sur le vélo du fils de la famille. Celui-ci rentre justement de l’école. « Attention avec les freins, je les ai resserrés, cela sera plus raide ! » prévient Jean-Luc. Travailler dehors, voilà ce qui a motivé ce quinquagénaire à se lancer à l’été 2021. Son métier : réparateur ambulant de vélos. Il se déplace dans toute la ville, avec son matériel, pour des urgences ou des rendez-vous de longue date.

 

Porté par le boom du vélo, le métier de réparateur à domicile se développe. Jean-Philippe Frey, responsable du pôle intelligence économique à l’Union sport et cycles estime à 300 leur nombre actuel. Un chiffre qui a augmenté en 2022 avec une centaine de créations d’entreprises. Cela vient compléter l’offre des 500 ateliers de réparations fixes.

 

Au début, Jean-Luc travaillait six jours par semaine, mais, avec presque 40 kilomètres et six ou sept interventions par jour, la fatigue pointait, même avec l’assistance électrique, et il a réduit la cadence. Après quinze ans dans la marine, cinq ans de dépannage d’ascenseurs et un peu d’immobilier, ce réparateur est à son compte, inscrit à la chambre de métiers, son certificat de qualification professionnelle (CQP) « technicien cycle » en poche. « La formation n’est pas indispensable pour se lancer seul, mais elle rassure les clients. » Prochaine étape : une formation complémentaire pour savoir réparer les vélos électriques.

 

« Sauver les vieilles bicyclettes de la casse »

 

Le métier s’est développé dans toute la France : l’Atelier vélo ambulant à Lyon, Bicyclopresto à Grenoble, Vintage Queen Bike Repair à Nice… C’est pour « sauver les vieilles bicyclettes de la casse » que Laureline et Julie ont créé leur activité dans cette ville de la Côte d’Azur. Elles ont remis en usage plus de 500 vélos depuis 2017. Les vieux vélos « souffrent d’obsolescence psychologique », explique Pierre-Éric Letellier, de l’Heureux-cyclage, structure qui rassemble les ateliers associatifs de réparateurs de vélo — mobiles ou non. « Même si la durée de vie d’un cadre de vélo est très longue car très réparable, les nouveaux modèles, l’innovation, le goût pour le dernier cri poussent les utilisateurs à abandonner leurs vieux formats. » 2,8 millions de nouveaux vélos ont été achetés en 2021, 1,5 million seraient jetés chaque année en France et 10 millions seraient inutilisés — sur un parc de 30 millions de vélos. « La réparation est un frein à l’usage du vélo dans la durée, assure Claire Toubal de la Fédération des utilisateurs de bicyclettes (FUB). Un vélo crevé peut rester des années à la cave et ressortir pour aller en déchetterie sans que personne n’ait tenté de le réparer. »

 

Les emplois autour du vélo connaissent une embellie : le site Emploi Vélo affiche aujourd’hui plus de 1 000 offres et enregistre une augmentation de 54 % de visiteurs depuis 2020. Des intervenants comme Cyclofix se positionnent pour coordonner un réseau de réparateurs itinérants. La structure revendique 350 000 vélos réparés en trois ans avec 180 réparateurs répartis sur Paris, Lyon, Lille, Strasbourg, Bordeaux, Nantes, Toulouse. De leur côté, les écoles connaissent des records d’inscriptions, assure l’une d’elles, pour former de nouveaux vélocistes : EMBA, CMPC Sports, INCM, Sup de Vélo… Cette dernière, dans le Gers, confirme à Reporterre un engouement pour ses formations depuis 2021 : 250 personnes formées au CQP de technicien vendeur cycle (dix semaines d’enseignement) et plus de 200 opérateurs cycle (quatre semaines).

 

Les villes accompagnent ce nouveau métier

 

La plupart des villes se sont adaptées à ces nouveaux travailleurs. Pour Olivier Stern, adjoint au maire de Montreuil, en Seine-Saint-Denis, et délégué au numérique et à la mobilité, « on ne va pas aller chercher des noises aux réparateurs itinérants à vélo qui apportent un service à la population. Le marché est en pleine expansion et loin d’être saturé. » Pas d’autorisation spécifique à demander non plus à Grenoble (Isère), confirme le service des autorisations pérennes d’occupation du domaine public. Au niveau national, Flavien Lopez, chef de projets aménagements cyclables et espace public au Cerema, un organisme public engagé pour la transition écologique, confirme : « S’agissant d’une activité ponctuelle en des lieux variables, une autorisation d’occupation de l’espace public n’est pas exigée pour le dépannage à vélo, pas plus qu’une carte de commerçant ambulant. »

Pour l’instant, il n’y a pas d’obstacle à cette activité naissante tant qu’elle n’entrave pas la circulation : s’installer sur le trottoir, si un espace de 1 m 40 est laissé à la circulation piétonne, est autorisé. Cependant, alors que les vélos ont le droit de stationner sur le trottoir s’ils ne gênent pas, ce n’est pas le cas pour les véhicules motorisés.

 

Les reparateurs ambulants ... en camion

 

Certains réparateurs ont opté pour une solution intermédiaire, ils n’ont ni boutique ni vélocargo mais un camion. Thierry s’est lancé à la Crau, près de Toulon (Var), avec Carlanges bicyclette. Difficile pour ce détenteur d’un camion-atelier de 6 mètres de long d’avoir sa place au marché ou dans les espaces publics. Alors, il s’installe sur des parkings privés, en accord avec des entreprises. À Nancy (Meurthe-et-Moselle), les camions sont autorisés et s’installent sur des places de stationnement. À l’Atelier vélo, les six mécanos et leurs trois camions proposent des rendez-vous à 8 ou 10 jours, plus faciles à gérer.

source : https://reporterre.net/Reparateur-ambulant-de-velo-un-metier-en-plein-boom