Energie : Les parkings, un gisement précieux pour accélérer l’énergie solaire en France ?

Installer des ombrières photovoltaïques pourrait devenir obligatoire pour les parkings de plus de 1.500 m².La mesure figure dans le projet de loi « Accélération des énergies renouvelables », voté ce mardi 10 janvier 2023  à l’Assemblée.

La filière photovoltaïque estime pouvoir y puiser, au minimum, 10 GW de puissance installée quand le parc solaire total en France atteint les 15 GW.

Pour le centre hospitalier d’Evreux, c’est fait. Depuis une quinzaine de jours, il est équipé de 4.400 panneaux photovoltaïques qui produiront environ 25 % de l’électricité consommée par l’hôpital. Certes, la majeure partie est installée au sol, sur une friche du site. Mais une autre, environ 25 %, prend la forme d’ombrières couvrant le parking du personnel », précise Edouard Roblot, directeur bâtiments bas carbone chez Idex, entreprise spécialiste des énergies renouvelables qui a opéré ce projet.

Ces ombrières photovoltaïques devraient fleurir dans les prochaines années. Le projet de loi « accélération des énergies renouvelables », qui sera voté ce mardi à l’Assemblée, prévoit de les rendre obligatoires pour les parkings extérieurs de plus de 1.500m² sur au moins la moitié de leur superficie. D’abord ceux des centres commerciaux. Edouard Roblot y ajoute aussi ceux des hôpitaux, des usines, des sièges d’entreprises, ou encore les aires de covoiturages et les parkings relais qui poussent aux abords des grandes villes ». Eux aussi atteignent très vite les 1.500 m².

Encore une mesure qui pourrait bouger ?

Les parkings de plus de 10.000m² auront jusqu’au 1er juillet 2026 pour se mettre en conformité quand les plus petits auront deux ans de plus. Passés ces délais, les propriétaires s’exposeront à une amende pouvant atteindre jusqu’à 40.000 euros par an. Tout s’écrit encore au conditionnel alors que le projet de loi est toujours en discussion et que cette mesure a déjà beaucoup évolué. Initialement, le gouvernement avait par exemple, fixé le seuil des parkings concernés à 2.500m². Trop peu ambitieux pour les écologistes qui voulaient le descendre à 250m².  Au final, il y a ce compromis trouvé autour des 1.500m² qui ne devrait plus bouger, mais il ne vaut qu’à l’Assemblée nationale, raconte Jules Nyssen, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER). Sur ce sujet, la proposition du Sénat était tout autre. » Ce sera à la commission mixte paritaire (CMP), composée de députés et sénateurs, de trouver un compromis. Elle attaquera le texte à partir du 16 janvier.

Quoi qu’il en soit, ni Jules Nyssen, ni Edouard Roblot imaginent la mesure disparaître. Il faut dire que l’installation d’ombrières photovoltaïques sur les parkings coche de nombreuses cases. « On sait faire, la technologie est mature, commence Edouard Roblot. La solarisation d’un parking peut se faire en dix-huit mois, c’est très rapide. » « C’est moins complexe que faire du solaire sur les toitures de bâtiments résidentiels pour lesquelles les contraintes peuvent être nombreuses », confirme Jules Nyssen.

Un gisement loin d’être négligeable ?

Autre avantage pour le président du SER : « Bien souvent, ces projets ne coûtent rien aux propriétaires du parking ». Dans le modèle économique le plus courant, les parkings sont en effet loués aux développeurs solaires qui se chargent d’investir et de construire ces ombrières. Ils trouvent ensuite leur compte en revendant l’énergie produite. Une partie, voire la totalité de cette électricité est revendue aux propriétaires du parking pour être autoconsommée. « C’est un autre atout alors de ces ombrières photovoltaïques, reprend Edouard Roblot. Non seulement, cette électricité est moins chère que sur le marché, car achetée sans intermédiaire, mais elle permet aussi d’assurer de nouveaux services. » Typiquement d’alimenter les bornes de recharge, besoin qui va aller croissant. « Aujourd’hui, un projet d’ombrières photovoltaïques, c’est la station-service de demain », résume directeur bâtiments bas carbone chez Idex.

Mais le principal avantage à solariser les parkings est ailleurs encore. Il est dans la nature même de ces surfaces. Soit des zones déjà artificialisées. A la différence des forêts ou des terres agricoles que peuvent aussi convoiter les développeurs de projets solaires. Et le potentiel de ces parkings est loin d’être négligeable. Dans son étude d’impact, le projet de loi estimait entre 90 et 150 millions de mètres carrés de parkings de plus de 2.500 m² susceptibles d’être équipés en ombrières. Pour une puissance évaluée à 9 gigawatts/crête (GW). Ce qui n'est pas rien alors que la puissance totale du parc photovoltaïque français atteignait 15,8 GW à la fin du troisième trimestre 2022.

Abaisser le seuil à 1.500 m², doit libérer un gisement plus grand encore. « C’est difficile à estimer précisément, sachant que certains des parkings concernés ne pourront être solarisés pour des raisons techniques, commence Edouard Roblot. Néanmoins, le cap des 10 GW paraît très facilement atteignable et, ne s’y prenant bien, on pourrait espérer le double. » Soit potentiellement plus donc que ce qui a été installé en France à ce jour.

« On pourrait aller plus loin »

« Du projet, c’est incontestablement la mesure la plus favorable au déploiement du solaire, celle qui libère le plus de foncier », estime aussi Jules Nyssen. « On aurait pu aller plus loin encore », regrette, de son côté, Charles Fournier. Le député EELV d’Indre-et-Loire ne songe pas à la volonté de son groupe d’étendre l’obligation d’ombrières jusqu’aux parkings de 250 m². « L'article 11 ter, introduit par le Sénat, rendait obligatoire l’installation d’un procédé de production d’énergies renouvelable sur une surface du toit ou des façades des bâtiments administratifs, commerciaux et industriels, rappelle-t-il. L’Assemblée nationale l’a enlevé. C’est un vrai recul. On aurait pu ainsi anticiper la future réglementation européenne. »

Pour Charles Fournier, en tout cas, « cette accélération du déploiement des énergies renouvelables doit se faire au maximum et en priorité sur les zones déjà artificialisées et délaissées pour impacter le moins possible la biodiversité et protéger notre souveraineté alimentaire ». Une vision qui inquiète au SER où l’on rappelle que dans son discours de Belfort, le 10 février dernier, Emmanuel Macron avait exprimé sa volonté de dépasser les 100 GW d’installations solaires d’ici 2050. « Si on se contente des parkings, des toits, des friches…, on y sera jamais », prévient Jules Nyssen.

source : https://www.20minutes.fr/planete/4017965-20230110-energie-parkings-gisement-precieux-accelerer-energie-solaire-france#xtor=RSS-149