Le vortex de déchets plastique dans l’océan Pacifique entretient un écosystème florissant qui ne se trouve habituellement pas en pleine mer

Le grand vortex de déchets du Pacifique (GPGP pour Great Pacific Garbage Patch, faisant trois fois la taille de la France) n’est pas seulement une masse de 80 000 tonnes de plastique et de déchets qui flotte dans la vaste étendue de l’océan, à plus de mille kilomètres de la terre ferme. Elle est également devenue, selon une nouvelle étude, un écosystème qui sert d’habitat à diverses créatures marines, des vers aux anémones, qui s’accrochent aux déchets.

Une équipe de biologistes a repêché des brosses à dents, du verre brisé et des cordes couvertes de pédonculés et d’anémones de mer brillantes sous forme de bouton d’un noir profond. Au total, ils ont trouvé près de 500 invertébrés marins de plus de 45 espèces différentes attachés aux débris. Cela remet en question les connaissances scientifiques sur les espèces côtières.

 

 

Selon l’auteure principale de l’étude, Linsey Haram, chercheuse à l’Institut national de l’alimentation et de l’agriculture (NIFA/ Etats-Unis) :

 

Il était surprenant de voir à quel point les espèces côtières étaient fréquentes. Elles se trouvaient sur 70 % des débris que nous avons trouvés. Il est difficile de savoir exactement ce qui se passe, mais nous avons constaté que certaines anémones côtières mangeaient des espèces de haute mer.

 

Le grand vortex de déchets du Pacifique est la plus grande accumulation de plastique océanique au monde, couvrant une surface au moins deux fois plus grande que la France.

 

 

Elle est entourée d’un immense tourbillon, le plus grand des cinq courants circulaires tournants que l’on trouve dans les océans de la planète. Ces gyres attirent les déchets vers leur centre, où ils sont piégés et forment un tourbillon de détritus.

 

 

L’ONG The Ocean Cleanup, qui développe des technologies pour extraire le plastique de l’océan, estime que le vortex contient 1,8 billions de morceaux de plastique qui pèsent environ 80 000 tonnes. La majeure partie du plastique provient de l’industrie de la pêche, selon l’ONG, tandis qu’entre 10 et 20 % du total peuvent être attribués au tsunami de 2011 qui a frappé le Japon.

 

Pour leur étude, Haram et ses collègues se sont associés à The Ocean Cleanup pour collecter plus de 100 morceaux de plastique dans le vortex de déchets du Pacifique nord entre novembre 2018 et janvier 2019. Ils ont trouvé un total de 484 organismes invertébrés représentant 46 espèces différentes. Parmi celles-ci, 80 % se trouvaient habituellement dans les eaux côtières.

 

 

Les scientifiques ont longtemps pensé que les espèces côtières ne pouvaient pas vivre durablement en mer en raison des différences de température, de salinité et de nutriments disponibles. Mais le tsunami de 2011 au Japon a forcé les scientifiques à revoir leurs anciennes hypothèses, car des déchets identifiables provenant du Japon ont commencé à apparaître dans des endroits comme Hawaï des années plus tard, transportant des espèces côtières qui ont réussi à survivre.

 

Pour Matthias Egger, coauteur de l’étude et responsable des affaires environnementales et sociales à The Ocean Cleanup, à propos des espèces côtières qui vivent sur les déchets :

 

Ils s’épanouissent. Il s’agit là d’un véritable changement dans notre perception scientifique.

 

Les scientifiques ont mis en garde contre l’augmentation rapide de la pollution plastique dans les océans. Pour y remédier, Ocean Cleanup a construit un système de collecte des déchets qui recueille les plastiques lorsqu’ils flottent. Mais ce n’est qu’une partie de la solution et, sans action politique, le taux de pénétration des plastiques dans les océans pourrait être multiplié par 2,6 d’ici à 2040, selon une étude récente.

 

L’année dernière, les pays réunis au sein des Nations unies ont convenu de mettre fin à la pollution plastique et de créer un traité mondial sur la pollution plastique d’ici à 2024. Il s’agirait d’un accord juridiquement contraignant portant sur l’ensemble du cycle du plastique, de la production à l’élimination. En attendant, de nombreux gouvernements agissent déjà en interdisant l’utilisation des plastiques à usage unique sur leur territoire.

 

Pourtant, le monde produit chaque année quelque 391 millions de tonnes de plastique, dont une grande partie finit dans les océans, où elle n’est pas comptabilisée. Selon une autre étude, il y aurait déjà plus de 170 000 milliards de morceaux de plastique dans les océans.

 

L’étude publiée dans Nature Ecology & Evolution : Extent and reproduction of coastal species on plastic debris in the North Pacific Subtropical Gyre et les chercheurs ont été interviewés pour un article du Wall Street Journal : Pacific Ocean Garbage Patch Is Bursting With Life.

Source : https://www.anguillesousroche.com/environnement/le-vortex-de-dechets-plastique-dans-locean-pacifique-entretient-un-ecosysteme-florissant-qui-ne-se-trouve-habituellement-pas-en-pleine-mer/