Ce prof de sport initie ses élèves à l’écologie… en pédalant

 

Sessions de VTT, course d’orientation en pleine nature... Un professeur de sport d’un collège du Haut-Rhin pilote des sorties à vélo pour ses élèves. Il en profite pour les sensibiliser à l’écologie.

 

La pente est plutôt sévère et le souffle saccadé d’Elliott et de Léo le confirme. Prostrés sur leur VTT, les deux garçons de 11 et 12 ans grimpent tant bien que mal jusqu’en haut de la cote. Christophe Ansel, leur professeur d’éducation physique et sportive (EPS) au collège de Guebwiller, les y attend, à peine transpirant. « Alors, les garçons, qu’est-ce que vous pensez de ce paysage ? » Après environ une demi-heure de pédalage, nous nous trouvons en haut d’une colline située non loin du massif des Vosges, dans le Haut-Rhin. Un paysage original pour une sortie scolaire, dont l’un des objectifs est la sensibilisation à l’écologie.

En cette journée d’automne, ils sont six élèves à être volontaires. Leur professeur Christophe Ansel, « très sensibilisé à la thématique écologique », organise depuis plusieurs années ces sorties VTT facultatives. Très vite, les commentaires fusent dans le petit groupe : que penser de la vue faite de vignes sur un versant, et de rangées de chênes sur l’autre ?

« Ben, c’est des vignes ! » dit Elliott entre deux gorgées d’eau. « Oui, ça d’accord, mais rappelez-vous ce que je vous racontais sur les paysages et ce qu’on peut en déduire de l’impact de l’homme… » « Ah, je sais ! Les arbres s’arrêtent là où il y a des champs de vignes, et ça veut dire qu’il y a eu l’action de l’homme ! » Christophe Ansel sourit. « C’est plus ou moins ça. N’oubliez pas non plus que le couvert végétal permet un écoulement de l’eau vers le sol. Ça favorise la biodiversité, donc la vie dans le sol, avec des bêtes et des végétaux qui sont essentiels à l’écosystème. »

 

C’est lors des pauses fraîcheur que Christophe Ansel lance des sujets de discussion autour de l’écologie et des paysages traversés, ici avec Léo (à g.) et Elliott. © Guillaume Poisson / Reporterre

« La deuxième fois que je monte sur un vélo ! »

 

Le vélo est au centre de cette sortie facultative. Pour le professeur, l’EPS est un « espace idéal » pour sensibiliser les plus jeunes au déplacement décarboné. « On apprend mieux à travers l’expérience, l’émotion que l’on ressent en roulant dans la nature ou en forêt, qu’à travers des cours théoriques en éducation civique par exemple. Les profs de sport sont ceux qui peuvent donner du sens à tout ça. »

 

D’autant que pour certains élèves, c’est une première. Christophe Ansel scrute attentivement les premiers coups de pédale de Naweel et Inaya, tandis que les quatre autres, plus à l’aise, filent déjà vers la lisière de la forêt. Naweel, 12 ans, vient de Mayotte. Il l’a dit dès les premiers hectomètres, et sans détour : « C’est la deuxième fois seulement que je monte sur un vélo, hein ! » Il ne tombe pas, mais manque à plusieurs reprises de basculer. Il a du mal à tenir la roue d’Inaya, 10 ans, qui n’est pas non plus très à l’aise. « J’ai déjà roulé quelques fois, mais je ne suis pas habituée du tout », dit la benjamine du groupe, qui vient de Segpa, une section d’enseignement général et professionnel adapté.

 

« Le silence, les oiseaux. C’est trop bien ! »

 

« C’est là qu’on se sent le plus utile, précise le professeur, quand on a des profils différents, des enfants dont ce n’est pas l’usage de se déplacer à vélo, même pour le loisir. » Et d’ajouter : « Il n’y a pas d’écologie sans social. Est-ce qu’il y a un meilleur endroit que l’école pour permettre à des publics qui spontanément n’iraient jamais s’inscrire en club, de pratiquer du vélo ? »

 

Quand le petit groupe pénètre sur les premiers sentiers de randonnée et de VTT, et que les trajectoires se font plus sinueuses, les terrains plus escarpés et rocailleux, Naweel et Inaya commencent par poser pied à terre pour se rassurer. « Allez, on baisse les vitesses et on pédale, tout de suite, très vite », dit Christophe Ansel, pour qui l’enjeu est « qu’ils ne s’arrêtent pas à la première session et qu’[il] puisse les revoir tout au long de l’année ».

 

Course d’orientation

 

Il est l’heure de poser les bicyclettes — « jamais du côté du dérailleur, ça abîme le vélo » — et de s’essayer à un jeu d’orientation. L’objectif est alors d’alterner circuit de VTT et phases de courses à pied pour retrouver des balises dans la forêt. « Votre premier ami, c’est ce qui vous entoure ! Vous devez apprendre à regarder, à ouvrir les yeux, conseille le professeur. Par exemple, vous voyez qu’on se trouve près de la route, et que le soleil se situe de ce côté, vers l’Est. Donc, si vous vous perdez, vous repérez le soleil et vous avancez dans sa direction. Vous retombez forcément sur la route, et sur nous. »

 

Juste avant de s’élancer, Benjamin veille bien à ce que son vélo soit correctement posé contre un arbre : il est le seul à avoir apporté sa propre machine aujourd’hui. « J’adore, ça me fait penser à Koh-Lanta [une émission avec des rescapés sur une île], explique-t-il. Je faisais du VTT à La Réunion avec mes parents, j’ai commencé à 4 ans. Quand je serai plus grand, je me déplacerai un maximum à vélo, et surtout pour aller dans la nature, c’est super agréable, le silence, les oiseaux. C’est trop bien ! »

 

Christophe Ansel, avec Timéo à sa droite, profite souvent du déjeuner, en début de session, pour lancer des discussions autour de l’écologie. © Guillaume Poisson / Reporterre

En avril dernier, Christophe Ansel a concocté un stage pour ses collègues syndiqués au SNEP-FSU (syndicat qui rassemble près de 70 % des enseignants d’EPS en France) intitulé « Le tournant écologique ». « C’est un thème qui a été intégré par le syndicat au niveau national depuis 2022, mais je me suis porté volontaire pour coordonner un stage sur notre territoire. Ça me tenait vraiment à cœur. »

En cette rentrée 2023/2024, l’enseignant d’EPS a un projet plus ambitieux pour ses élèves : un séjour de sport nature bas carbone. Le projet doit encore être validé par « les collègues et la direction, où il peut y avoir pas mal de résistances, car ça sort des habitudes », dit-il, tout en suivant les zigzags incontrôlés de Naweel dans les sentiers. Mais l’idée semble alléchante : « J’aimerais organiser un séjour du lundi au vendredi avec une ou plusieurs classes, où on combinerait pratique du VTT, du kayak, de la randonnée, le tout avec des trajets exclusivement à vélo ou en train. L’objectif serait de leur faire comprendre la possibilité de faire des vacances sportives sans avoir besoin d’aller à l’autre bout du monde. »

Après deux bonnes heures de pédalage et de courses d’orientation, le petit groupe de cyclistes en herbe rentre au collège. Il est alors temps de ranger son vélo parmi la quarantaine de VTT du parc du collège. Naweel est l’un des premiers à partir. Il semble épuisé. Juste avant de disparaître derrière l’un des murs épais de l’établissement, il se retourne et lâche : « À la semaine prochaine, Monsieur Ansel ! »

Source : https://reporterre.net/VTT-course-d-orientation-Quand-les-cours-de-sport-menent-a-l-ecologie